la Mort de ...
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Pourquoi donc ce silence et ces larmes cachées ?
Quel deuil est descendu sur vos têtes penchées ?
Dites-le moi : d’où naît cette amère douleur ?...
Ah ! je vous comprends trop ; la mort à qui tout cède,
La mort vient d’arrêter sur sa couche encor tiède
Les battements d’un noble cœur.
Il n’est donc plus ! les cieux l’ont retiré du monde :
Lui qui trouvait un port dans sa vertu profonde,
Lui dont le zèle ardent a dévoré les jours ;
Lui qui par dessus tous, facile à reconnaître,
Vécut humble et passa comme le divin Maître,
Priant et pardonnant toujours,
Ainsi, malgré nos pleurs, quand vient l’instant suprême,
La pierre des tombeaux s’ouvre au juste lui-même,
Il expire — Belle âme, oh ! pourquoi s’envoler ?
On vas-tu ? ta carrière est-elle donc remplie ?
N’esl-il plus ici-bas d’indigents qu’on oublie,
De cœur souftrant à consoler ?
Tu pars : que deviendront dans leurs longs jours d’épreuve
Le vieillard sans appui, l’orphelin et la veuve ?
Vers quels yeux désormais lèveront-ils les yeux ?
Trouveront-ils encore un bras qui les soutienne,
Et surtout une voix douce comme la tienne
Pour montrer le chemin des cieux ?
Ah ! tu n’as pu mourir sans regretter le charme
De soulager un cœur, d’essuyer une larme ;
Les ivresses des cieux ne l’effaceraient pas.
Et puis les cœurs aimants ne brisent qu’avec peine
Tous ces nœuds doux et chers dont l’existence est pleine,
Seules délices d’ici-bas.
C’est que loin des grandeurs dont le fol éclat brille,
La vie est belle au sein d’une tendre famille ;
C’est qu’entouré de joie on veut s’endormir tard ;
C’est qu’on se voit aimé, c’est qu’on est fier de l’être,
Car de jeunes enfants, douces fleurs qu’on vit naître
Sont la couronne du vieillard.
Félicité du cœur, séduisante, ingénue,
Il t’avait pressentie et ne t’a pas connue ;
Il n’aura pas vieilli comme un antique aïeul.
Proscrit dès le berceau, le vent de la tempête
Avant le temps et l’âge a dû blanchir sa tête,
Qu’il dorme au moins dans son linceul.
Qu’il dorme... Il acheva toutes ses destinées ;
L’exil et la douleur ont doublé ses années ;
Il n’est tombé trop tôt que pour ceux qui l’aimaient.
Ces âmes-là toujours sont promptement ravies :
S’il a succombé jeune, il a vécu deux vies
Pour les cieux qui le réclamaient.
Et moi, que son nom seul fait tressaillir encore,
Dirai-je qu’abattu par l’ennui qui dévore,
Bien loin du sol natal son âme m^entendit ?
Moi qu’il trouva mourant d’une tristesse amère,
Sur un lit de douleur où j’appelais ma mère
Sans que ma mère répondît.
Moi, dont aucune main ne pressait la main pâle,
Tandis que le rayon d’une lampe fatale,
Comme un témoin funèbre éclairait ma langueur ;
Moi, relevant à peine une tête affaissée,
Moi, poète et puisant une ardeur insensée
Dans tous les rêves de mon cœur.
Il vint, il murmura sur ma tête flétrie
Ces mots consolateurs de mère et de patrie ;
Il parla de retour et de retour joyeux,
Il me montrait de loin un bonheur sans mélange,
Et j’endormais mon âme — Aurais-je cru que l’ange
Retournerait si vite aux cieux !