Soirs de Saint-Jean
- Préface
- Post-scriptum
- Prélude
- Épithalame
- Son âge, son pays, son nom
- Anne-Marie
- Vos yeux
- Triolets à ma mie
- Bretonne de Paris
- Vision
- Là-bas
- Sur la beigne
- Lever d’aube
- les Peupliers de Keranroux
- la Chanson de Marguerite
- Confidence
- Sommeil
- Memoranda
- Madrigal d’hiver
- l’Enlèvement pour rire
- Premiers doutes
- En partance
- Le premier soir
- Bouquet
- Lassitude
- la Fleur
- le Bois dormant
- Chanson paimpolaise
- Romance sans paroles
- Novembre
- le Passant
- Évocation
- Rondes
- Papillons de mer
- la Complainte de l’âme bretonne
- Noëls de mendiants
- Sur un livre breton
- Dédicace
- À la Vallée-aux-Loups
- le Bandeau noir
- Recluse
- les Violiers
- Printemps de Bretagne
- Triptyque
- Couchant mystique
- Lits-clos
- ar Roc’h-Allaz
- le Roc’h-Allaz
- les Trois matelots de Groix
- Notre-Dame de Penmarc’h
- Marivône
- le Serment d’Hoël IV
- Noël à bord
- Cœur en dérive
- les Sept innocents de Pleumeur
- Prière à Viviane
- l'Île des sept sommeils
- le Pardon de la reine Anne
- Alésia
- Réponse de Fernand Mazade
- Anthéor
- Ariette dauphinoise
- À une normande
- Dialogue pendant la montée
- L’affût
- L’Algeiras
- Conseils à une belle nonchalante
- Matelots
- Run-rouz
- les Bigouden
- Membra Dei
- Medio de fonte dolorum
- Marc’harit Phulup
- Épitaphe pour Lise Bellec
- Pleine nuit
- Huelgoat
- Sur la dune
- Sérénade
- Soirs de Saint-Jean
- À Louis Boyvin de Saint-Malo
- Nocturne
- le Manoir
- le Rossignol
- la Dernière idylle
- Feux d’écobue
- Trop tard (souvenir de la mobilisation)
A Jean Madeline
I
Terre de la nuance et des métamorphoses !
Quel voile délicat s’est posé sur les choses
Et donne au ciel ce ton mourant des fleurs de lin ?
Est-ce à Saint-Gille, au Huelgoat, à Goudelin ?
Le paysage, avec sa lande et son église,
Dans l’air ambré du soir se spiritualise
Et, vaporeux, atténué comme un pastel,
Semble flotter vraiment aux confins du réel.
Aucun souffle n’émeut cet impalpable tulle.
Et, cependant qu’à pas feutrés le crépuscule
Descend le chemin creux qui mène vers l’étang,
Le silence avec lui glisse, plane et s’étend.
II
Est-ce à Gurunhuel, à Botmeur, à Crozon ?
Du soleil qui chavire au ras de l’horizon,
Tel un brick torpillé dont la membrure éclate,
L’adieu s’exhale en jets de soufre et d’écarlate.
Puis tout s’éteint et tout s’apaise par degrés.
Un fin croissant de lune argente les Arrhés
Et découpe en plein ciel leurs graves silhouettes,
Qui rêvent dans le soir au bord des eaux muettes.
Et c’est comme une attente et c’est comme un secret.
Les couples se sont tus sur la route : on dirait,
A l’obscure langueur qui soudain les pénètre,
Que quelque chose d’infiniment doux va naître.
III
On ne voit plus l’église, on ne voit plus la lande.
Est-ce à Trédrez, à Guéradur, à l’Ile-Grande ?
Un sel subtil se mêle à l’acre odeur du foin.
Maintenant c’est la nuit, la molle nuit de juin,
Blonde comme un verger, tiède comme une alcôve.
Vers l’ouest traîne un dernier lambeau de clarté mauve…
Hosanna ! Car voici que sur les monts d’argent
Pétillent, flambent, les bûchers de la Saint-Jean.
Leurs feux jusqu’à Roscoff étoilent la campagne
Et, priant ou chantant autour d’eux, la Bretagne
Sent, en ce premier soir du solstice d’été,
S’épanouir la fleur de sa mysticité.