les Pilleuses de mer
- À Brizeux
- le Chant du pilhaouer
- les Feux de la Saint-Jean
- le Combat des Trente
- Avant et après les noces
- À elle
- Vechoëvus, légende de Cornouaille
- la Chanson du blé noir
- le Hollaïka
- le Soir
- la Chanson de l’abeille
- Magdalena
- Grallon le Grand et Corentin le Petit
- les Pilleuses de mer
- le Mal du pays
- Tristesse douce
- l’Angélus aux champs
- Ouessant
- l’Homme de fer
- Saint Sesny
- les Fleurs virginales
- Tom
- Soir d’automne en Kerne
- Lez-Breizh
- le Lierre
- Chœur des croisés
- Salaün ar foll
- Immortalité
- le Vieux chouan
- la Chanson de la mariée
- la Nuit des morts
- Souvenirs de régiment
- le Kreisker
- le Coutelas
- Danses après la moisson
- la Croix de fleurs
- Le Mang
- Chœur des vagues
- Crépuscule
- Marie
- les Petits cailloux
- Au duc Jean
- À la bonne duchesse
- Soir d’été
- Monastères et châteaux
- Marguerite
- Madenus
- les Feux de Saint-Pierre
- les Mobiles d’Arvor
- Mélancolie
- Sous la Terreur
- Salut à la mer
- la Grande cheminée
- les Pierres de Carnac
- la Procession
- Sehnsucht allemande
- les Vaches
- le Vieux château
- la Fête des âmes
- la Weladenn
- le Loup d’Hervé
- le Charivari
- Contraste
- la Moisson de Dieu
- Clair de Lune
- Sainte Anne d’Auray
- les Lucioles
- Submersion d’Is
- Avant et après Jésus
- le Jardin des Morts
- Encore une Sehnsucht
- le Vaisseau et le phare
- Soleil couchant
- le Commencement et la fin
- les Korrigans
- la Chanson des Grillons
- Dogme
- Épilogue
« Qu’il est dur à gagner le pain de la famille !
« Ton père, ton futur et ton frère, ma fille,
« Le cherchent loin d’ici sur les flots ténébreux.
« Nous ne les reverrons qu’à la lune prochaine.
« Ils travaillent pour nous dans leur barque de chêne,
« Ma fille, travaillons sur la côte, pour eux.
« J’ai vécu bien longtemps déjà ; j’ai la science
« Acquise par la lente et sûre patience.
« Crois-moi sans hésiter : le temps est bon ce soir,
« Profitons de l’aubaine, et mettons-nous à l’œuvre.
« L’orage n’est pas loin : Vif comme la couleuvre,
« Un grand éclair bleuâtre a fendu le ciel noir.
« Le vent maudit se lève. Au large, déchaînée,
« Déjà la Manche mène une danse effrénée ;
« Les matelots en vain cherchent les tours de feu (1).
« Viens ; l’agile pétrel se prépare aux tempêtes ;
« Les cris de l’ouragan sont nos hymnes de fêtes,
« Le naufrage est un bien qui nous vient du bon Dieu.
« Viens ; la falaise est sombre et le ciel sans lumières ;
« Les laboureurs oisifs dorment dans leurs chaumières,
« Les femmes de marins sanglotent à genoux.
« Regarde cette nef que le vent désespère ;
« Elle arrive à propos ; la mer nous est prospère,
« Comme une bonne vache elle met bas pour nous.
« Ma fille, les absents avant une semaine
« Reviendront partager (si Dieu nous les ramène)
« L’épave du vaisseau que perd un feu trompeur.
« Vois : il rase l’écueil dans sa course imprudente,
« Aux cornes du taureau pends la lanterne ardente ;
« Ma fille, l’on dirait que tu trembles de peur. »
Et la vieille poussait des hurlements sauvages ;
Et ses fourches de fer sur les tristes rivages,
Sinistres, attendaient le signal du combat.
Et le fanal jetait sa lueur violette
Sur la maigre sorcière aux jambes de squelette,
Digne de figurer aux rondes du sabbat.
Alors on eût pu voir, à demi, dans la brume.
Là-bas, près des brisants sous un linceul d’écume,
Une barque sombrer avec des cris de mort.
Et sur l’affreux rescif l’infâme créature,
Comme un corbeau glouton qui cherche sa pâture,
Harponner des débris sans crainte et sans remord.
Mais quand l’aube du jour se leva, douce et claire,
Devant le flot gonflé d’un reste de colère,
Les femmes, à genoux, pleuraient stérilement.
Sur la plage où fouillaient encor leurs mains avides,
Elles avaient trouvé, déchirés et livides,
Les cadavres du fils, du père et de l’amant !
(1) Les phares.